Modèles de comportement

Cet axe de recherche concerne les actions menées sur les Analyses multi-échelle, les Couplages et l’Identification de modèles de comportement

Analyse multi-échelle

Comportement de matériaux nano-structurés (Laurent Waltz)

Les procédés de déformation plastique sévère (Severe Plastic Deformation – SPD) induisent une modification profonde de l’organisation microstructurale d’un matériau polycristallin pouvant aller jusqu’à sa nanostructuration. Les schémas de déformation ainsi que les mécanismes de raffinement microstructural présentés dans la littérature restent insatisfaisants, car ils ne donnent qu’une vision parcellaire des mécanismes intervenant au niveau des grains en lien avec la sollicitation imposée.

Le défi actuel est de faire le lien entre l’état de la microstructure, le comportement mécanique local et le comportement macroscopique d’un matériau traité par SPD (ex : SMAT).

Micrographie MET d’un acier inoxydable SMATé
Microstructure caractérisée par des grains nanométriques avec des macles de moins de 10nm d’apaisseur
(coll. LASMIS, ICD-UTT)

Approches cohésives pour la mécanique théorique (Yann Monerie)

Les modèles de zone cohésive sont particulièrement efficaces pour prédire l’amorçage et la propagation de fissures. Cette approche d’endommagement surfacique peut être utilisée dans le cadre d’une représentation cohésive-volumique où un modèle cohésif opère entre chaque maille d’une discrétisation éléments finis. Les mécanismes de multi-fissurations émergent alors naturellement du trajet de chargement et pour une vaste gamme de problèmes mécaniques : milieux multiphasiques, grandes déformations, chargements dynamiques, etc. Ces atouts ont donné lieu à un engouement important pour ces méthodes à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Les difficultés principales ont été rencontrées progressivement dans la communauté : 1/ instabilités inhérentes aux modèles d’adoucissement, 2/ dépendance au maillage, 3/ identifications de modèles et de leurs paramètres.

L’équipe – avec ses collaborateurs du laboratoire et du laboratoire MIST – s’intéresse aux approches théoriques qui peuvent apporter des solutions à ces principales difficultés.

Les instabilités sont traitées par des formulations dynamiques basées sur les travaux de J.J. Moreau et le formalisme NonSmooth Contact Dynamics. Les développements théoriques sont capitalisés et pérennisés dans le logiciel LMGC90.

La dépendance au maillage comprend deux volets. L’un topologique : le trajet de fissure dépend de l’agencement spatial des modèles cohésifs et donc des faces (ou arêtes en 2D) du maillage EF sous-jacent. L’autre associé à une longueur caractéristique : chaque modèle cohésif est une « souplesse » additionnelle dont l’effet ne cesse de croître à mesure que la discrétisation est raffinée. Le premiers volet n’est traité que partiellement au travers d’approches de type pin-wheel. Le second est analysé en profondeur par des approches micromécaniques : chaque face cohésive est considérée comme une inclusion non linéaire adoucissante de forme ellipsoïdale aplatie insérée dans un milieu volumique durcissant, éventuellement élastoplastique, avec une distribution spatiale associée à celle des faces du maillage ; le comportement apparent est obtenu par homogénéisation par potentiels et une relation théorique en est déduite permettant d’adapter analytiquement les propriétés cohésives à la taille de maillage pour rendre le comportement apparent endommageable insensible à la taille de maillage.

Le modèle cohésif est adapté analytiquement à la taille et à la typologie du maillage (à gauche) pour obtenir un comportement apparent en fissuration indépendant de la taille de maille [Blal et al, Journal of Computational and Applied Mathematics, 2013].

La forme des modèles cohésifs et leurs paramètres mécaniques sont identifiés par des approches par corrélation d’images où les mécanismes d’endommagement locaux sont résumés dans une discontinuité sans épaisseur.

Identification de modèles cohésifs par inter corrélation d’images [Richefeu et al, European Journal of Mechanics, 2012].

Enfin, les modèles cohésifs sont perçus simultanément – selon les échelles considérés – comme des comportements homogènes équivalents de milieux élastoplastiques multi-fissurés ou comme les ingrédients surfaciques micromécaniques de modèles macroscopiques d’endommagement volumique.

Transports couplés en poro-mécanique (Yann Monerie)

Les dernières années, une partie des travaux de l’équipe a concerné les transports couplés en poro-mécanique et leurs couplages avec les mécanismes de fissuration. Ces travaux sont portés par la volonté de comprendre et prédire le vieillissement de différentes classes de matériaux, principalement concernés par les domaines de la sûreté nucléaire : argiles ou grès pour les stockages profonds, béton pour les enceintes de confinement des centrales nucléaires, alliages métalliques irradiés, oxydés ou hydrurés pour les éléments structuraux des circuits primaires des centrales nucléaires, etc.

La démarche principale est de nature numérique. Dans le cadre d’approches fortement ou faiblement couplées, voire étagées selon la complexité des problèmes, les modèles d’homogénéisation numérique ou de fissuration sont associés à des équations de transports fickiennes ou darcéennes et des équations de thermomécaniques.

Écaillage thermomécanique d’un béton suite à une agression au feu [Bichet et al, 2014]

À titre d’exemple, différentes pathologie de vieillissement du béton ont été étudiées : réactions sulfatiques internes, externes, réactions alcali-granulats, résistance aux fronts thermiques type feu.

Un résultat récent et majeur peut être cité (thèse A. Socié, 2019) : prédiction des gonflements-fissurations par précipitation d’ettringite et de la cinétique de dégradation associée (calcul d’hydratation, chimio-mécanique tridimensionnelle, influence des granulats et des fissures dans la répartition spatiale inhomogène des zones de précipitation d’ettringite).

Expansion d’une éprouvette de béton par réaction sulfatique interne [Socié et al, M2UN, 2019].

Homogénéisation non-linéaire (Yann Monerie)

Les travaux de l’équipe dans le domaine de l’homogénéisation non linéaire sont principalement des approches analytiques par potentiels ou par motifs ou des approches numériques par homogénéisation périodique pour les milieux aléatoires.

Les thématiques abordées dans ce domaine les dernières années relèvent toutes des problématiques du laboratoire MIST : milieux poreux à distribution bimodales de pores pressurisés dans une matrice élasto-visco-plastique (céramiques nucléaires), milieux nanoporeux (céramiques nucléaires également), composites multicouches à gradient de propriétés intracouches, à matrice élastoplastique anisotrope et à inclusions potentiellement orientées (Zircaloy irradié, oxydé et hydruré).

Module de cisaillement équivalent en fonction du rayon apparent de nanopores (5% de pores) [Haller et al, International Journal of Solids and Structures, 2016]

Plusieurs modèles notables ont été obtenus pour les poreux bimodaux pressurisés : modèle d’endommagement ductile à N-couches à double population de pores pressurisés, l’une sphérique intragranulaire distribuées aléatoirement, l’autre lenticulaire distribuée au joints de grains dans un polycristal ; modèle nano-poreux élastique dans les milieux à motifs.

Couplages

Équivalence temps-température (André Chrysochoos)

PhD P. Yadav, [Yadav 2019, Yadav 2018]

Sur un plan plus pratique, ce travail devrait conduire une réinterprétation des mesures obtenues via les dispositifs de DMTA et aussi à meilleure maîtrise des règles d’équivalence temps-température utilisée lors de la phase de conception, puis durant le contrôle de la tenue des pièces polymères.

L’objectif ici est de revisiter les concepts à la base de la visco-analyse des polymères et d’établir le rôle exact des effets de couplage qui, comme la viscosité, induisent un effet du temps. En utilisant les moyens expérimentaux traditionnels de la visco-analyse (DMTA) et via une analyse énergétique du comportement, on cherche à reformuler la règle d’équivalence temps-température dans le cadre de la Thermodynamique des Processus Irréversibles, en tenant compte des effets dissipatifs et de couplage induits par le processus de déformation.

Extended DMTA measurements
where the furnace door is equipped with a special infrared transparent window

Identification

Identification de champs de propriétés (Bertrand Wattrisse)

Les problématiques liées à l’identification de champs de propriétés matérielles sont abordées dans l’équipe depuis plusieurs années. Ces travaux se sont d’abord intéressés à des comportements non-linéaires dissipatifs de type plasticité (thèse de Félix Latourte puis de Tarik Madani). L’approche développée repose sur la mise en place d’approches utilisant l’écriture d’une erreur en relation de comportement [ Madani 2018 ; Madani 2017]. Le travail de Tarik Madani a montré que cette approche permettait, dans le cas de matériaux élasto-plastiques, d’identifier un état de contraintes résiduelles hétérogène [Thèse Madani].

Chargement et champs de contrainte identifiés sur une éprouvette d’un acier DP600.

Par ailleurs, nous travaillons actuellement, dans le cadre d’une collaboration avec l’IRSN (post-doctorat de Mamadou Meite), à l’extension de cette méthodologie à l’identification de propriétés cohésives en associant les comportements adoucissants liés à la localisation des champs mécaniques dans la zone de striction à des modèles surfaciques cohésifs placés à la frontière d’éléments volumiques à comportement durcissant.

Nous avons entamé en 2017 une collaboration avec le professeur Elijah Van Houten (Université de Sherbrooke), pour étendre les approches développées au cas de sollicitations harmoniques pour des matériaux viscoélastiques. La thèse de Samuel Kurtz, entamée en octobre 2019 dans le cadre d’une co-tutelle avec l’Université de Sherbrooke consiste à développer des stratégies d’identification par erreur en relation de comportement pour l’élastographie IRM.